Oh, comme elle tremble, Léa Peckre. Elle est venue saluer les bras en croix à
la fin de son défilé printemps-été 2015 dans ce salon des Tapisseries de l’hôtel
de Ville qui en a vu d’autres. La jeune créatrice, formée à La Cambre mode(s),
couronnée d’un Weekend Fashion Award, poursuit sa route, avec une petite équipe
de fidèles, à définir son vestiaire tel qu’elle le travailla déjà dès sa
collection de fin d’études. Ce qui ne signifie pas qu’elle se répète, au
contraire.
Avec son « Part 1 », inspiré par le travail de Nicolas de Staël et de Jesus
Rafael Soto, elle continue son exploration du tulle découpé laser cut mais elle
le dévore de flammes, lui rajoute des volants, le proportionne pour mieux
laisser voir la peau et le corps en mouvement.
Elle jongle aussi avec le denim, bleu azur, gris « assourdi » ou vert
opaline, qu’elle structure d’une main très sûre, elle a le goût de la ligne
parfaite, dans une stricte féminité qui ne se juche pas sur talons hauts mais
dans des souliers à lacets et semelles confortables.

En backstage, Léa tremble : un show, c’est beaucoup d’émotions, plusieurs
nuits blanches, une somme de réflexions, un irrépressible besoin de s’exprimer,
de se réaliser par le vêtement et une croyance un peu folle en sa bonne étoile.
Tout ceci force l’admiration surtout en ces temps frileux où ceux qui sont prêts
à parier sur les jeunes créateurs se comptent sur les doigts d’une main.
Il n’y a pas si longtemps, Anthony Vaccarello était dans la peau d’un jeune
créateur qui ouvrait la Fashion Week parisienne avec petit défilé entre amis, ou
presque. Depuis, il a fait du chemin, il faut dire que les fées se sont penchées
sur son berceau. Elles portent le nom de Lou Doillon, Anja Rubik, Carine
Roitfeld, Karl Lagerfeld, Hyères et Andam. La première est sa muse, la deuxième,
top model parfaite, la troisième, supportrice visionnaire, le quatrième
travaille pour Fendi où Anthony fit ses armes, les deux derniers sont des prix
que l’ex-étudiant de La Cambre mode(s) remporta en 2006 et 2011.
Joli c.v. qui ne résume pas tout à fait sa manière unique de sculpter les
jambes des femmes, et le reste. Sur des sandales à deux brides, elles arpentent
le béton de le Cité de la Mode et du Design, avec la Seine en guise de décor
entrecoupé par une rangée de piliers tagués. Sur leur corps drapé, elles portent
fièrement les lettres qui composent le nom du créateur et de cette saison,
Spring Summer, chiffrée 2015.
Mais elles ne sont pas pour autant transformées en femmes-sandwich, car
l’alphabet se découpe, se fait abstrait, se fiche sur les fesses, se superpose
ton sur ton. Son savoir-faire, Anthony Vaccarello le décline en noir, en blanc,
en bleu avec rayures tennis ou en lettrages rouges sur blancheur printanière.
Sous des dehors parfois red-carpet on ne se refait pas, sa garde-robe de saison
affûtée comporte toutes les pièces indispensables – pantalon, veste, boléro,
minijupe et une parfaite déclinaison de chemisiers, surtout celui en mousseline
au large col bénitier mais rentré à l’intérieur, porté bien entendu contre la
peau nue et les manches relevées jusqu’au coude, quel effet.